Peut-on faire du lobbying chrétien ?
L’origine du mot anglais « lobby » signifie littéralement vestibule ou couloir. Les premières utilisations politiques de ce terme datent du XIXe siècle. Dès 1830, le terme lobby désignait les couloirs de la Chambre des communes britannique où les membres de groupes de pression pouvaient venir discuter avec les « MPs » (Members of Parliament). Le mot lobby désigne donc à la fois le lieu où s’expriment les groupes d’intérêts et ces groupes eux-mêmes. En France, ce terme a une connotation essentiellement péjorative qui s’est surtout renforcée au cours des années 1980 et 1990 avec les crises sanitaires (amiante, sang contaminé, farines animales…) où le rôle de certains groupes de pression industriels ou corporatistes minimisant les risques grâce à l’action de cabinets de lobbying a été dénoncé par des chercheurs et des associations de victimes. Pourtant dans le monde anglo-saxon, le lobby fait partie de la vie. Dans le monde évangélique, sans que l’on puisse parler de modèle lobbyiste, plusieurs organisations dépoussièrent l’engagement chrétien public en utilisant les outils modernes de la « communication influente ». En voici deux exemples.
UNE PRÉSENCE CHRÉTIENNE AUPRÈS DU GOUVERNEMENT AMÉRICAIN : LE BUREAU DE WASHINGTON DU « MENNONITE CENTRAL COMMITTEE » (MCC)
En plus de « l’intérêt national », les intérêts spéciaux et l’argent jouent un rôle prépondérant dans les décisions politiques. Avec un réseau international de projets et d’expériences qui l’informe sur ce qui se passe dans le monde, le Mennonite Central Committee (MCC) cherche à faire entendre une « autre voix » dans le processus législatif nord américain.
[b][c]À WASHINGTON[/c][/b]En place depuis 1968, le Washington Office se donne entre autres deux buts majeurs : 1) faire entendre dans des cas précis le témoignage mennonite auprès du gouvernement américain, et 2) aider les Eglises à mieux comprendre la politique de leur pays pour mieux voter et mieux participer au processus démocratique. Le [URL]www.mcc.org/us/washington/index.html[::]bureau de Washington[/URL] mobilise un personnel permanent, volontaire et stagiaire qui travaille ensemble pour suivre et analyser la politique américaine dans ses grandes lignes. Il cherche à relayer le travail du MCC à travers le monde, tout en écoutant et informant les Eglises mennonites. Fondant son travail sur des [URL]www.mcc.org/us/washington/resources/advocacyhandbook.pdf[::]bases bibliques et théologiques[/URL] bien réfléchies, le témoignage auprès du gouvernement américain s’oriente autour des domaines suivants :• la justice pour tous (Dt 24,17-22) ;
• le travail pour la paix (Mt 5,9.38-48) ;
• le combat contre la discrimination (Gal 3,25-28 ; Eph 2,11-22) ;
• les droits humains, y compris la liberté de conscience et de religion ;
• l’environnement (Gen 1, 28-30 ; Ps 8,5-8). [b][c]MOYENS[/c][/b]Quels moyens le bureau de Washington se donne-t-il pour accomplir sa mission ?
• Faire témoigner auprès des gouvernants des travailleurs du MCC ayant une expérience importante sur telle question ou dans telle région du monde.
• Collaborer avec d’autres bureaux partageant les mêmes valeurs. • Organiser des séminaires réguliers pour étudiants, pasteurs, personnes intéressées.
• Publier des informations régulières pour les Eglises, y compris sur les votes des sénateurs et parlementaires sur des questions clés.
• Suggérer des possibilités concrètes d’engagement. [b][c]OTTAWA, NEW-YORK… ET BRUXELLES ?[/c][/b]
Des bureaux semblables se trouvent à Ottawa (auprès du gouvernement canadien) et à New York (auprès des Nations unies). En novembre 2006, avec des représentants des Églises mennonites européennes, le MCC Europe a posé la question de la possibilité d’une telle présence à Bruxelles auprès de l’Union européenne.
[b]UNE EXPÉRIENCE FRANÇAISE : LE CPDH[/b]
En France, le Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine
( [URL]www.cpdh.info/npds/accueil.php[::]CPDH[/URL] ) s’est constitué depuis 1999 pour faire entendre la voix des protestants évangéliques sur les thèmes de l’éthique. Interview de son délégué général, Daniel Rivaud.
Tout dépend de notre conception du rôle du chrétien. L’Eglise s’occupe du spirituel, mais doit aussi avoir une présence au monde (cf. Déclaration de Lausanne et Manifeste de Manille) : l’Eglise ne fait pas de politique, mais joue un rôle politique. Le CPDH encourage aussi la prière pour les autorités. Nous savons que de nombreux élus sont surpris que des chrétiens prient nominativement pour eux ; certains élus s’inquiètent de cette présence plus visible, d’autres semblent sensibles à ce rôle que nous pouvons jouer. Cela nous oblige à redécouvrir nos responsabilités dans la société en évitant deux écueils : le conformisme ou le sectarisme. Comme le rappelle Henri Blocher, il faut « s’adapter sans s’adultérer ». [b]Daniel Rivaud, délégué général du CPDH.
Propos recueillis par Samuel Goldschmidt[/b].