DONNER/RECEVOIR…. UN ORGANE
Don d’organes, don de sang : où en est-on en France ? Pourquoi y est-on parfois réticent ? Tour d’horizon avec un médecin anesthésiste, pour ne pas oublier qu’il y a un donneur et… un receveur…
En France, les dons de sang et d’organes sont gratuits, anonymes et considérés comme un geste de solidarité inter-humaine. Chaque année, près d’un million de malades sont soignés grâce à des produits sanguins préparés à partir des dons de sang total, de plasma ou de plaquettes prélevés par les équipes de l’Etablissement français du sang.
Pénurie de sang
Seulement 4 % des Français donnent leur sang, ce qui explique un état de pénurie quasi permanent. Le don de sang apparaît parfois comme un don intrusif et angoissant évoquant des associations négatives : la couleur rouge est associée à l’hôpital, aux seringues, parfois à un cochon qui se vide…
Au-delà de la peur de la piqûre et du malaise éventuel durant le geste, l’idée de contracter le sida ou une hépatite reste prégnante. Le don apparaît compliqué, parce qu’on demande aux gens de donner de leur personne en dégageant du temps pour se rendre au lieu de collecte, mais aussi pour récupérer après le don. Enfin, les non-donneurs disent parfois ne pas se sentir suffisamment concernés pour accepter de fournir les efforts nécessaires pour surmonter leurs angoisses à donner de leur sang.
Pénurie d’organes
En 2012, 5 023 greffes d’organes (reins, foie, cœur, poumons, cœurs-poumons, pancréas, intestins) ont été réalisées en France, alors que plus de 16 000 personnes étaient inscrites sur les listes d’attente. Il en résulte un état de pénurie préoccupant. La majorité des donneurs prélevés sont des personnes qui décèdent à l’hôpital en état de mort encéphalique, suite à un arrêt vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien. Cela concerne moins de 1 % des décès à l’hôpital ; or, cette source d’organes représente actuellement près de 92,5 % des greffes réalisées en France. Les autres 7,5% sont des greffes à partir de donneurs vivants, principalement pour le rein et exceptionnellement pour des lobes hépatiques ou pulmonaires.
Donneurs vivants
La France est très en retard pour les prélèvements à partir des donneurs vivants qui atteignent pour les reins plus de 75 % en Norvège. La greffe de rein s’adresse aux personnes en insuffisance rénale terminale obligées d’être placées en dialyse. Pour les personnes en dialyse, la greffe est le meilleur traitement : la dialyse permet de redonner 15-20 % de la fonction rénale contre 50-60 % pour une greffe.
Plusieurs facteurs expliquent la pénurie de greffons en France. Pour les donneurs vivants, les médecins français sont toujours imprégnés par le principe de « ne pas nuire » et sont donc réservés sur les dons de donneurs vivants, par crainte des complications graves éventuelles pour le donneur (entre 0,3 et 1 %).
Raisons de ne pas donner…
En pratique, les médecins essuient 30 % de refus de dons d’organes en France (15 % en Espagne), ce qui est le chiffre le plus élevé en Europe. Les raisons sont diverses : refus de la monopolisation par la médecine du pouvoir symbolique de dire la vie et la mort, parce que « ça n’arrive qu’aux autres » ; peur de la mort qui reste un tabou en France ; superstition ; peur que l’on fasse mourir des gens à dessein pour prélever leurs organes ; difficulté de faire comprendre aux familles que la personne sous respirateur artificiel est bien morte, alors que son cœur bat et que sa peau est rose et chaude ; réticence des Français à parler de la fin de vie et des dons d’organes éventuels à tout âge, d’où refus « par précaution » lorsque les familles sont exposées au problème, parce que ces conversations n’ont pas été menées avec le défunt ; peur de prélever des organes chargés symboliquement comme le cœur ou les cornées.
Les Eglises sont « pour »
Toutes les Eglises chrétiennes sont d’accord pour recommander la pratique du don d’organes et du don du sang comme un exemple concret d’amour du prochain.
Le don d’organes en Europe
41 % des citoyens européens ont déjà évoqué en famille la question du don d’organes contre 58 % qui n’en ont jamais parlé. Les disparités culturelles existent : 75 % des Néerlandais parlent de ce sujet contre 16 % des Roumains. 56 % des Européens se déclarent prêts à faire don d’un de leurs organes immédiatement après leur mort. 26 % s’y refuseraient et 18 % n’ont pas d’idée précise. 54 % des Européens donneraient leur accord pour que l’on prélève un organe sur un parent proche qui viendrait de décéder, si l’hôpital le leur demandait.
Rapport de la Commission européenne