20 ans à Kaboul avec les Hazaras….pourquoi ?
« Depuis 20 ans en Afghanistan ? Mais comment est-ce possible ?!… » me demandent les expatriés des ambassades.
« Tu vis avec nous dans ce pays en guerre au milieu des bombes ? Mais pourquoi tu fais ça ?… » disent les Afghans.
« N’est-il pas temps de te reposer, Ariane, tu as déjà accompli tellement de choses en Afghanistan?… » expriment charitablement mes amis chrétiens.
En effet, ma situation interroge et les questions ne manquent pas !
Quel est donc cet étrange choix de quitter le confort alsacien pour s’installer à Dash e Barchi, le quartier le plus pauvre de Kaboul ? Quelle idée farfelue nous a poussés, Jacques et moi, à vivre dans ce pays hostile, où l’islam des taliban est le plus rigoureux du monde ? Enfin, pourquoi, seule depuis six ans, je tiens toujours le flambeau du Pélican qui, au nom de Christ, apporte une aide précieuse aux bannis d’Afghanistan, les Hazaras ?
L’ÉPREUVE
Le livre De Colmar à Kaboul retrace l’itinéraire d’un couple très ordinaire (Jacques et Ariane) qui, fracassé par le drame de la perte de leur enfant, se lance éperdument dans une recherche spirituelle pour savoir si Dieu existe vraiment, et s’il y a une vie après la mort. Du résultat de l’enquête dépendaient nos vies…
Dans cet abrupt parcours aux nombreux obstacles, je relate l’extraordinaire bonté de Dieu, et les chemins qu’il a pris pour nous rencontrer. Je décris l’irruption fulgurante de la Grâce qui nous a remis debout et nous a menés jusqu’en Afghanistan. Je raconte enfin notre arrivée à Kaboul sous l’ère talibane en février 2000, et le début de la grande aventure pélicane… L’écriture de ce livre m’a obligée à un douloureux retour en arrière qui a ravivé beaucoup de souffrances. Néanmoins, il m’a permis aussi de me remémorer certains moments particulièrement dangereux, où la « bonne main » de l’Éternel nous a protégés et a béni notre travail.
L ’AVENTURE DU PÉLICAN

20 ans à Kaboul Crédit photo : Youssef
Alors comment même penser à stopper mon élan vers les plus vulnérables des Afghans ? L’ONG Le Pélican appartient au Seigneur qui en est le «Boss » et le Maître d’œuvre ; c’est lui qui inspire nos projets et nous en indique la direction. Aujourd’hui, le Pélican compte plus de 500 élèves de 3 à 42 ans, dont près de 115 sourds-muets. Beaucoup de ces derniers ne sont jamais allés à l’école et souffrent d’un grand isolement. Ne pouvant pas suivre le programme éducatif classique, ils trouvent au Pélican un endroit chaleureux où ils pourront progresser à leur rythme. Les besoins sont tels que l’ouverture d’un autre centre pour les sourds devient indispensable.
L’assiduité des élèves, la bonne humeur de tous et l’ambiance joyeusement décontractée des écoles, font oublier un instant les dangers et les risques mortifères que nous rappelle sans cesse le vrombissement rageur des avions de chasse de l’armée afghane au-dessus de nos têtes. Cependant, le joli proverbe afghan suivant est appliqué chez nous sans retenue : « Ils peuvent tuer toutes les hirondelles, mais ils n’empêcheront pas la venue du printemps. » Aussi, nous gardons confiance et aidons nos jeunes à trouver en eux les ressources indispensables pour préparer leur avenir.
UN LIEU DE PAIX
Le Pélican est aussi un lieu où nous enseignons que l’acceptation de nos différences est indispensable pour l’unité et la paix, et nous le vivons avec des professeurs d’origines ethniques et religieuses différentes. C’est une véritable gageure puisque les ethnies, généralement, se détestent et parfois se combattent. Pourtant, le fait que des Pachtouns soufis côtoient des Tadjiks sunnites et des Sayed (et même une chrétienne française !) démontre à la jeune génération que c’est possible.
Tous les élèves du Pélican sont éduqués, nourris, et par-dessus tout aimés de l’amour que Dieu a déposé dans mon cœur il y a 20 ans. Ce feu dévorant me stimule et me pousse à aller toujours plus loin dans l’aide apportée à cette communauté. Et personne ne peut éteindre une flamme allumée par le Seigneur lui-même !
LA LUMIÈRE DE L’ÉVANGILE
Alors oui, je continue à vivre parmi mes amis hazaras, avec la force et l’audace que Dieu me donne. Et même si je suis une ouvrière de la dernière heure, il n’est pas question pour moi de quitter mon travail avant le signal d’arrêt du Patron ! Non, je ne suis pas prête à abandonner le pays des burquas et des cerfs-volants, des explosions et des barbus fanatiques. De plus, je me réjouis secrètement de savoir que dans l’obscurité de la nuit afghane, brille pour de plus en plus d’Afghans, l’attirante clarté de Celui qui nous dit : « Je suis la Lumière du monde. »
Merci à vous tous pour votre soutien, qu’il soit spirituel ou financier. Merci d’être si bien les canaux de la grâce de Dieu pour combattre avec nous l’ignorance et la pauvreté des Hazaras.
POUR ALLER PLUS LOIN…
Ariane Geiger Hiriart, De Colmar à Kaboul – Quand la souffrance débouche sur un chemin de vie, Éditions BLF, 2019, 288 p