đ Pardonner, sous quelles conditions ?
Un jour, jâai fait cette priĂšre : « Seigneur JĂ©sus, si tu as pu pardonner Ă ceux qui tâont crucifiĂ©, il nây a aucune raison que je ne pardonne pas, et que je ne sois pas capable de pardonner. »
Alors que JĂ©sus se trouve clouĂ© sur la croix, livrĂ© Ă la risĂ©e des passants, il prononce des paroles dâune portĂ©e extraordinaire : « PĂšre, pardonne-leur⊠» (Lc 23.34). Comment se peut-il que, dans cet effroyable supplice, ce soit sa premiĂšre pensĂ©e ?
Ces trois mots sonnent comme une priÚre. Courte, mais essentielle ! Une priÚre que nous pouvons méditer pour mieux discerner qui est Jésus et quel exemple il a voulu nous laisser.
En matiĂšre de pardon, il faut dire que JĂ©sus nâest pas en reste lorsquâil sâagit de lâexpliquer et de le pratiquer.
JĂ©sus pardonne Ă ceux qui sâopposent Ă lui et qui le font souffrir. Il pardonne parfaitement, complĂštement. Son pardon a un caractĂšre absolu et dĂ©finitif qui nous permet de saisir ce quâest le pardon de Dieu et ce que notre pardon doit ĂȘtre.
Il est vrai que le mot « pardon » arrive souvent dans nos conversations, surtout lorsquâil y a eu un malentendu, une incomprĂ©hension, un problĂšme, quelque chose qui nous a heurtĂ©s. Nous lâutilisons quotidiennement plusieurs fois, en disant pardon, comme une parole rituelle.
Il est vrai aussi que le pardon coĂ»te toujours quelque chose, car il nâest ni un sentiment ni une Ă©motion, mais un acte de volontĂ©.
UN PARDON CONDITIONNĂ
Aujourdâhui, avec le dĂ©veloppement de la psychologie, nous sommes entrĂ©s dans lâĂšre de la relativisation : chacun de nos actes ne serait que le fruit de nos dĂ©terminismes.
Si jâai tel comportement aujourdâhui, câest parce que jâai subi telle ou telle chose ou prĂ©judice. Câest probablement en partie vrai !
De plus, le plus dur dans la demande de pardon, câest quâon ne sait pas comment elle sera accueillie par lâautre ; lâautre devient toutpuissant Ă notre Ă©gard puisquâon lui remet le pouvoir de pardonner ou de ne pas pardonner. Assumant la responsabilitĂ© de ma faute, je renonce Ă toute tentative de justification ainsi quâĂ lâenvie de la faire porter par autrui. Si je me considĂšre comme libre et responsable, alors je me dois dâassumer mes actes, en particulier mes fautes.
Alors pour oser demander pardon, il peut ĂȘtre bon dâavoir fait, soi-mĂȘme, lâexpĂ©rience dâavoir Ă©tĂ© pardonnĂ© et de sâĂ©quiper de courage et dâhumilitĂ©.
UN PARDON NĂCESSAIRE

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Accepter, cautionner ce qui sâest passĂ© ? Quand nous sommes blessĂ©s par des propos, des actes, notre indicateur interne de justice se trouve affectĂ©. La balance semble se dĂ©sĂ©quilibrer, et le rĂ©flexe est de rĂ©clamer justice.
Martin Luther King Ă©crivait : « Dieu a les deux bras Ă©tendus. Lâun est assez fort pour entourer de justice, lâautre assez doux pour nous entourer de grĂące. » Lâamour de Dieu ne saurait exister sans sa justice.
Alors je peux pardonner, câest-Ă -dire ne plus tenir compte du mal qui mâa Ă©tĂ© fait, ne plus considĂ©rer lâautre comme endettĂ© Ă mon Ă©gard sans pour autant excuser lâacte.
Pardonner, ce nâest donc pas seulement libĂ©rer lâautre, mais me libĂ©rer moi !
Pardonner, câest laisser aller ce qui me lie encore Ă lâautre.
Pardonner, câest laisser aller la colĂšre, la souffrance pour pouvoir vivre de nouveau.
Le Christ sur la croix nâa pas dit : « PĂšre, je leur pardonne⊠», mais « PĂšre, pardonne-leur. » Et il a ajoutĂ© : « Ils ne savent pas ce quâils font. » La croix ne nous prĂ©sente pas seulement lâexemple du pardon que JĂ©sus accorde Ă ses ennemis, elle nous montre aussi le pardon acquis pour nous-mĂȘmes par ses souffrances et par sa mort.
Lâenjeu ne serait-il pas de dire : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi Ă ceux qui nous ont offensĂ©s » ?
Alors, quand les mots du pardon me semblent difficiles, voire impossibles Ă prononcer, quand la blessure est trop profonde, trop ancienne, quâelle est encore vivace aujourdâhui comme une Ă©charde dans ma chair, une plaie mal cicatrisĂ©e qui se rouvre Ă la moindre occasion (et elles sont parfois nombreuses !), pourquoi ne pas demander au Seigneur de mâaccorder la grĂące de me laisser habiter par son pardon ?
Câest en recevant, avec foi, le pardon de Dieu que nous serons rendus capables de pardonner Ă notre prochain.