Les fêtes, au fil de l’histoire biblique et aujourd’hui

 Dans Christ Seul

À quoi servent les fêtes ? On a du mal à le dire. Pourtant, c’est un moment que tout le monde aime. On se souvient, des années plus tard, des grandes réjouissances, des mariages, des cousinades, des rencontres inter-Églises, d’un match auquel on a participé (comme joueur ou comme spectateur), d’un concert, d’une kermesse joyeuse, ou d’une fête de village, voire d’un pot sympathique au travail. Tous ces événements nous donnent le sentiment d’appartenir à « quelque chose » qui est plus que nous-mêmes : un groupe, un style de vie, un quartier ou une entreprise.

On peut avoir des définitions plus formelles de la vie sociale, mais, à vrai dire, elles nous semblent bien froides. Le sentiment d’appartenance à un corps social, la volonté d’y jouer un rôle, ou l’adhésion à une aventure commune doivent peu de chose au texte d’un règlement intérieur, ou à un corpus de lois. Quel membre d’Église serait, par exemple, en mesure d’en réciter les statuts par cœur ? On s’approche déjà d’autre chose quand on parle de valeurs ou de convictions partagées. Mais, là encore, pour prendre l’exemple de l’Église, même si les membres sont prêts à signer une confession de foi et à la réciter lors du culte (quand elle n’est pas trop longue), je pense que leur vie chrétienne rejoint quelque chose de plus que des formulations écrites. Nous avons besoin de ferveur, et de ferveur partagée.

LES FÊTES DE L’ANCIEN TESTAMENT

C’est la raison pour laquelle la vie de foi dans l’Ancien Testament était rythmée par des fêtes diverses, notamment les trois grandes fêtes de pèlerinage. « Trois fois par an, tous tes hommes iront voir la face du Seigneur ton Dieu au lieu qu’il aura choisi : pour le pèlerinage des pains sans levain, celui des Semaines et celui des Tentes. On n’ira pas voir la face du Seigneur les mains vides : chacun fera une offrande de ses mains suivant la bénédiction que t’a donnée le Seigneur ton Dieu » (Dt 16.16-17).

La mention de l’offrande, dans cet extrait, rappelle que ces trois fêtes mettaient ensemble une signification religieuse et la vie agricole concrète. La fête de la Pâque (les pains sans levain) rappelait la libération de l’esclavage et était l’occasion d’apporter les prémices de ce qui commençait à pousser. La fête de la Pentecôte (les Semaines) faisait mémoire du don de la loi et correspondait à l’époque des premières moissons. Enfin la fête des Tentes, à l’automne, rappelait l’accompagnement de Dieu, au désert, et marquait la reconnaissance pour les fruits et toutes les récoltes de l’année. Ce parcours annuel était l’occasion, pour chacun, d’éprouver concrètement l’accompagnement de Dieu dans sa vie, en communion avec ses proches, avec tous ceux qui avaient fait les pèlerinages avec eux, tout en s’inscrivant dans la suite de l’histoire du peuple.

La fête des Tentes, tout particulièrement, était marquée par la joie et l’effervescence collectives : « Vous vous munirez de beaux fruits, de feuilles de palmiers, de rameaux d’arbres touffus ou de saules des torrents, et vous serez dans la joie pendant sept jours devant le Seigneur votre Dieu » (Lv 23.40). Au moment du retour d’exil, notons-le, les juifs redécouvrent la loi et les fêtes prévues et, au moment de la fête des Tentes, ils sont effondrés en prenant la mesure de leur éloignement de Dieu. Mais les prêtres les exhortent : « Ne soyez pas dans la peine, car la joie du Seigneur, voilà votre force ! » (Né 8.10)

DANS LE NOUVEAU TESTAMENT : REPAS, AGAPES ET CÈNE

Les Noces de Cana par Julius Schnorr von Carolsfeld, 1820

Les choses sont moins précises dans le Nouveau Testament, même si la mort de Jésus est associée à la Pâque, et le don de l’Esprit (la loi dans notre cœur) à la Pentecôte (fête du don de la loi).

Cela dit, Jésus festoyait volontiers et on peut citer une discussion, intéressante, avec les disciples de Jean-Baptiste : « Les disciples de Jean l’abordent et lui disent : Pourquoi, alors que nous et les pharisiens nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? Jésus leur dit : Les invités à la noce peuvent-ils être en deuil tant que l’époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’époux leur aura été enlevé : c’est alors qu’ils jeûneront. (…) On ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres ; sinon, les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. On met au contraire le vin nouveau dans des outres neuves, et l’un et l’autre se conservent » (Mt 9.14-17).

Le jeûne n’est mentionné, dans la loi de Moïse, qu’à l’occasion de la fête du Grand Pardon : là, pour le coup, c’est une manifestation de tristesse et de repentir. Historiquement, on sait que les juifs de l’époque de Jésus jeûnaient également en se souvenant des événements malheureux ayant marqué l’histoire d’Israël (exil, chute du temple, etc.). Le jeûne, par ailleurs, à l’occasion, était une tentative pour faire pression sur Dieu (cf. Es 58.3 : « Que nous sert de jeûner, si tu ne le vois pas, de nous humilier, si tu ne le sais pas »). Or Jésus balaye ces actes de contrition, qu’il considère comme des outres usées, en soulignant la joie de sa présence. Et l’on trouve un écho de cet échange dans l’épisode johannique des noces de Cana, où Jésus participe à la fête et remplit de vin « les jarres de pierre destinées aux rites juifs de purification » (Jn 2.6). Il apporte une plénitude qui fait tomber en pièces les rituels de purification.

La fête se noue, ainsi, dans les évangiles, autour de la présence du Christ et Jésus nous laisse un repas à partager, la cène, en mémoire de sa présence, du pardon qu’il nous accorde, et en attente de son retour. Est-ce une fête ? Assurément. Paul le répète dans l’épître aux Corinthiens : cela peut être l’occasion d’agapes où l’on partage un repas de manière juste et équitable entre croyants (1Co 11.20-21). Et ce repas ne nous réunit pas seulement autour du Christ. Il nous lie également les uns aux autres. « Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps : car tous nous participons à cet unique pain » (1Co 10.17).

DES MOMENTS DE PARTAGE

Crédit : Freepik

Les fêtes nous rappellent ainsi qu’on ne partage pas seulement avec les autres des réalités matérielles. On vit également des émotions en commun : des joies, des peines et des moments où l’on célèbre la coprésence d’un grand nombre de personnes qui communient à une même émotion.

Au reste, la société moderne, qui nous éloigne et nous isole les uns des autres, nous prive de quelque chose. On peut toujours hurler avec d’autres supporters dans un stade, ou reprendre en chœur une chanson à l’occasion d’un concert, cela reste plus une émotion simultanée (on vibre en même temps que les autres), qu’une émotion échangée.

Il reste quand même des occasions de rencontres collectives. Cela dit, les fêtes de la Bible étaient aussi l’occasion de rendre grâces à Dieu, à un être qui était au-delà du groupe. Or, sans parler de Dieu, les fêtes modernes sont rarement l’occasion de se projeter dans quelque chose de plus que la fête elle-même : un objectif commun, un idéal partagé, une visée collective. La fête est un moment riche, mais qui n’ouvre pas vraiment sur un sens pérenne. Les sociétés ont toujours été des réalités divisées et traversées par des tensions, et les prophètes rappelaient déjà au peuple juif que la fête ne pouvait pas aller avec l’exploitation du prochain. Mais, au-delà des oppositions sociales, nous vivons dans un monde qui a de plus en plus de mal à construire des collectifs sensibles et riches émotionnellement.

 

Contactez-nous

Envoyez nous un courriel et nous vous répondrons dès que possible.

Illisible ? Changez le texte. captcha txt
0

Commencez à taper et appuyez sur Enter pour rechercher