La mondialisation vue par l’Apocalypse… (1)
Petite visite d’Apocalypse 18 par Claude Baecher et Frédéric Scattolini.
QUELLE MONDIALISATION ?
Une fois le genre littéraire digéré, le lecteur de l’Apocalypse est frappé par le nombre de références à l’économie. On y découvre la « mondialisation » par la domination d’une ville, « Babylone la Grande » (14,8), mais aussi sa fin annoncée que Jean entrevoit par l’émergence de « la nouvelle Jérusalem » (21). C’est le temps d’une rédemption cosmique où « toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi [Seigneur], parce que ta justice s’est manifestée » (15,4 ; 14,6). La ville de « l’Agneau » est la réponse divine ultime, mais elle aussi est une société universelle, non moins hégémonique que « Babylone ». La vision de Jean ne semble donc pas condamner la mondialisation, mais ses moyens.
La « Babylone » monstrueuse sur le point de disparaître fonctionne grâce à un savant mélange d’économie, de brutalité et de contrôle de la religion. Des commerçants, des rois vassaux marchent dans les combines de « Babylone » et en tirent profit (18,3.23), à l’image des citoyens de l’Empire romain du premier siècle qui profitent de ses bienfaits, sa technologie, son ordre, sa super-puissance, sa prospérité, son unité. Leur gratitude s’exprime par un patriotisme exacerbé : culte de l’empereur, serments d’allégeance, de gré ou de force, du plus faible et du plus puissant, pour exercer un pouvoir politique, militaire ou économique. Mais d’autres, non citoyens, subissent ce système dans la douleur.
DES BÊTES MONSTRUEUSES
On a du mal à imaginer le pouvoir énorme des prêtres du culte à l’empereur ; ils surveillaient la cohésion et la sécurité du système. Personne ne pouvait « acheter ou vendre » (13,17) sans avoir sur son front la marque du « monstre » comme l’appelle Jean. Ce premier monstre mentionné est l’empereur romain divinisé. La seconde bête qui donnait vie à la première était un système religieux qui avait, en apparence, les traits de l’Agneau.
DES TÉMOINS FIDÈLES
La prostitution dénoncée (18,3) est une image des relations avec les divinités païennes du système commercial et de la cupidité liée au plaisir et au luxe. Ce système faisait mettre à mort « les prophètes et les saints » (18,24) qui, témoignant de Jésus, refusaient de cautionner son fonctionnement. Plusieurs avaient payé le prix fort dans la province d’Asie pour défendre ce point de vue, et « témoigner » (2,13 ; 6,9-11 ; 20,4). Imaginez la situation inconfortable et la tentation de compromission des chrétiens ou des juifs ! Car tous ceux qui refusaient la légitimité de ce système se retrouvaient sans pouvoir politique, social ou économique.
Parlant de Jésus l’Agneau, Jean dit : « Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre apporteront leur gloire » dans la Jérusalem qui vient du ciel sur la terre (21,24). Ce sera, sur le plan économique, l’indice d’une rédemption à l’échelle mondiale. Mais, entre temps, il faut que les chrétiens restent fidèles à Jésus et pratiquent une économie plus fraternelle !